Le travail de technicien

Le technicien de station ou « permanent » de la station suisse avec qui je travaille la journée s'appelle Vincent. On arrive à la station vers 9heures après un solide petit déjeuner fait de pain, jus d'orange frais, "palta" (avocat local qui n'a ni les tarifs ni la fermeté d enos avocats suisses) et chocolat chaud.

On commence par faire le tour de la station pour voir si il y a eu des soucis durant la nuit. On commence dans la coupole, puis on descend les deux étages, on passe en revue tous les instruments jusqu’à la salle de contrôle:

  • 2è étage du télescope: coupole, azimut, déclinaison, dérotateur de la caméra parqués, tuyau du LN2 de la caméra branché plein fait, LEDs su race de contrôle de la tête de fibre de Coralie OK, câble de Pisco pas trop emmêlés, tout branché en mode automatique
  • 1er étage du télescope: race électrique de puissance et de mouvement OK, deux ventilateurs OK
  • rez du télescope: niveau et pression du LN2 de Ecam OK
  • chambre hydraulique: pression, niveau d’huile et sécurités OK
  • atelier: niveau et pression du LN2 de Coralie OK, climatisation du local de Coralie OK
  • local PCs: climatisaion OK, LEDs des PCs et des UPS OK, niveau de l’humidificateur OK
  • salle de contrôle: températures de Coralie et de Ecam OK, niveau de l’humidificateur OK

Ensuite, on attaque avec des tâches de maintenance régulières ou on s'occupe de divers soucis.

Inventaire des pièces de rechanges

Inventaire des alimentations, lampe au thorium ou au tungstène, disques durs, câblages divers, cartes électroniques, « spare pour le moteur de compression du gros frigo pour refroidir l’huile, … il faut le ranger avec le Schwämmle » , … mouais d’accord … je comprends du coup pourquoi mes élèves font la grimace quand je leur dis de « résoudre l’équation en factorisant le membre de gauche par une identité remarquable » …

Nettoyage et graissage complet des moteurs des ventilateurs de la chambre de Coralie !

Afin de brasser l’air (!) dans la chambre de Coralie, huit petits ventilateurs sont actionnés par autant de moteur. Grippés ou à l’arrêt parfois, il s’agit de démonter les ventilateurs de leur support dans la pièce, puis de démonter entièrement les moteurs. C’est l’occasion de parler de rotor, stator, et autre noyau de fer doux chers à notre cours d’énergie, mais aussi de levain, baguettes et autre four à pain avec le boss Vincent ;-) Après nettoyage à l’alcool et séchage au Q-tips avec des gants de chirurgien, c’est le remontage et tout fonctionne parfaitement, plus qu’à noter dans le journal de travail et on passe à la suite. Deux semaines plus tard on a du recommencer, … matériel italien !!

Nettoyage et contrôle des pompes hydrauliques, plein d’huile et regonflage des accumulateurs

Sur la partie supérieure du pilier de 12m (dont à 6 mètres ancrés dans la roche) et sur la partie inférieure du télescope se trouvent deux plaques d’acier. Entre ces deux plaques d’acier nous injectons un micromètre d’huile sous pression afin de pouvoir faire tourner le télescope sur le pilier autour de sa monture altazimutale. Cette huile est injectée par des pompes. A son retour, l’huile ayant été compressée est chaude et pour ne pas perdre sa viscosité elle est refroidie par un échange de chaleur eau-huile. Il s’agit ici de nettoyer la bête, faire le plein d’huile, contrôler les pompes et regonfler les accumulateurs qui absorbent les vibrations dues aux pompes

Nettoyage de la fenêtre Ecam

C’est la première fois que je tiens 100’000 francs dans les bras, … on va manoeuvrer cette caméra avec dextérité.

Il s’agit de nettoyer la fenêtre qui se trouve entre la lumière des étoiles et le capteur. On commence par éteindre le contrôleur de température, puis le contrôleur de Ecam, puis on débranche toutes sortes de connexions. Vient ensuite la partie délicate: on dévisse les sept vis pour désolidariser le dewar contenant le CCD du télescope. Il s’agit de ne pas faire tomber ce billet de 100’000 francs pesant deux-trois kilos ! Une fois dévissée on l’arrime sur un plateau de bois conçu pour recevoir la bête et on nettoie cette fenêtre. Masque et gants de chirurgien, jet d’azote gazeux sous pression pour enlever les poussières, chiffon optique imbibé d’éthanol pour finaliser, on est prêt pour le remontage du tout. L’opération qui dure une bonne heure et demie et minutieusement orchestrée, comme tout ici,  par une marche à suivre extrêmement précise. Pour s’assurer que tout se soit bien passé, on fait alors un flat et en le comparant au flat d'avant le nettoyage (image ci-dessous à droite) on se félicite et on s'offre un coca !

Après ce nettoyage, je me rends compte de l’extrême minutie avec laquelle on fait de l’astrophysique et me dit, qu’à mon niveau, mieux vaut partager et expliquer l’astro que d’essayer d’obtenir des photos inaccessibles !

Contrôle et nettoyage du frigo Schwämmle.

Afin de refroidir l’huile sous pression soutenant le télescope nous avons besoin d’un échangeur de chaleur. Cela est assuré par un circuit d’eau refroidie par un frigo home-made de dimension industrielle. Situé dans un local extérieur annexe, il s’agit de vérifier le contenant de ce frigo. 560 litres d’eau avec une densité de propylène permettant une température de solidification de -47°C, la mesure se fait à l’aide d’un réfractomètre et c’est l’occasion de parler du cours d’optique de l’option spécifique maths et physique !

Prise de mesures pour le changement du « contrôler » de Coralie

Comme déjà évoqué, un « controller » va lire les données brutes de Ecam. Il en est de même pour Coralie. Le « contrôler » de Ecam ayant été changé pour une version plus rapide il est temps de changer celui de Coralie pour gagner en temps ou alors profiter de sa rapidité pour atteindre une meilleure résolution. Durant l'exercice, il nous faut enlever une plaque de faux-plafond !!! Merci Papa ;-)

Pompage du Dewar de la caméra de Coralie

Tous les deux mois il nous faut pomper le dewar de la caméra de Coralie dans le but d’assurer le meilleur vide qui soit dans le Dewar du CCD de Coralie. On commence par réchauffer le Dewar de -165 à 30°C, puis on y fait le vide durant une vingtaine d’heures et enfin on refroidit à nouveau, prêt pour une nouvelle nuit d’observations.

Les autres stations

Parfois, pour rendre service, on va faire une petite ou grande bricole sur les télescopes alentours: enclencher le Tarot français ou réparer les roues des filtres de couleurs du Trappist belge (ancienne station suisse) ou encore reconfigurer un ordinateur du Rem italien, … les journées sont chargées sans aucune routine.

Mais encore

Tous les 15 jours, nous procédons au nettoyage des miroirs des télescopes à la neige carbonique, nous allons remplir les Dewar d’azote, on répare (surtout Vincent) les ordis qui lâchent, … Le télescope suisse, en plus d'être super bien pensé est super dorloté !!

Décapage et peinture du local Schwämmle ... on les a vus !!

A l’extérieur, bravant les vents et le Soleil, un petit local abritant le frigo Schwämmle se dépérit. Profitant de ma présence, il nous faut lui redonner une nouvelle jeunesse. Décapage, ponçage, balayages, et peinture !!! Avec Vincent, on s’amuse et on se lâche !

Souper au chalet suisse

Bon, ici, sur cette photo, il faut que l'on s'arrête. S'il-vous-plaît: dites moi que je ne suis pas de venu fou, dites-moi que vous aussi vous voyez quelquechose d'incroyable sur cette image. Mes collègues astronomes se marrent quand je leur dis ce que je vois ... donc pliiiiiiiz, qu'est-ce que vous voyez ?????

"Bon appetite"

La station suisse et l’équipe de l’Observatoire de Genève jouit d’une très bonne réputation tant au niveau scientifique qu’au niveau savoir-être. Il se dit que les Suisses sont toujours sympas, agréables, qu’il n’y a jamais de problème avec eux et qu’en plus, quand ils sont là, il y a toujours l’opportunité d’un bon moment partagé. La spécialité au télescope  suisse c’est la fondue et la raclette. Ce soir, pour l’arrivée de Daniel qui amené une demie meule et avant le départ de David, c’est moi qui m’y colle. Il faut savoir être polyvalent, après avoir calibrer, décaper, balayer, azoter, me voilà à préparer une raclette entre astronomes en face de l’Atacama, que du bonheur.

D’habitude on descend manger au réfectoire, c’est l’occasion de croiser des ânes sur la route, … pas à table. A table avant de partir observer, on discute avec mille astronomes, et autant de langues, d'histoires et de sujets de recherche. Uriel se passionne pour son Harps du « three point six », Vladim, Angela, Helmut et David travaillent au «  two point two », Marcus au Danish et Daniel, David, Vincent et moi sommes au suisse. Sur une tablée, on peut se retrouver à parler en anglais avec deux français, un belge, un russe ayant grandi en espagne dans une école française, un Australien qui fait semblant d’être genevois, un Kiwi qui se dit australien, un genevois qui se dit Chilien, une Mexicaine qui m’explique les sites à ne pas manquer à San Pedro, et moi … un prof qui se dit astronome.

Au bureau

Au final, vous l'avez compris, entre la maintenance le jour, les observations la nuit et l'écriture de mon cours d'Astronomie, mon emploi du temps est plutôt chargé. Mais comme c'est super intéressant et que j'en redemande, j'en profite pleinement. D'ailleurs, je vais demander à mon boss de pouvoir me délocaliser ici pour pouvoir profiter de mon nouveau bureau ;-)