Observation de l’une de « mes » stars … à la recherche des planètes extra-solaires

Entrée de la cible dans la liste

La première chose à faire en début de soirée est d’entrer la liste des cibles de la nuit dans l’EDP: Editeur De Pauses. Selon les programmes en cours on y entrera des étoiles qui ont des transits de planètes, des étoiles pour lesquelles on suppose la présence d’une planète, … Il s’agit d’entrer « ma » star qui répond à un doux nom fait d’une douzaine de chiffres ou au pseudo Wasp29. On cherche donc l’étoile dans l’un des catalogues et on l’insère dans l’EDP.

Sur la fenêtre de cet EDP (voir image) on voit donc toutes sortes de données. En commençant par le cadran du haut, on y trouve à gauche notre localisation: La Silla, la date, en dessous nous trouvons le début et la fin de la nuit nautique en temps universel TU, temps légal chilien TCL, et temps sidéral TS, le début et la fin de la nuit en unité de jours juliens. Plus à droite des données concernant la Lune et des données météorologiques toutes importantes car le choix des cibles et la qualité des observations vont en dépendre.

Dans le cadran principale, nous trouvons la liste des cibles, mon étoiles figure en 26è position cette nuit. En vert, les pauses terminées et en bleu la pause en cours … vite c’est à moi !!

Dans le 3è cadran du bas on trouve des données relatives à l’étoile et à la pause en particulier le temps d'exposition. Et pour finir, dans le cadran du bas, nous voyons en blanc le parcours de « mon » étoile (je ne m’en lasse pas ;-) ) au cours de la nuit et en rouge le parcours de la Lune. L’idéal est de pouvoir observer l’étoile sans la présence de la Lune qui plus est quand l’étoile est suffisamment haut dans le ciel pour que sa lumière n’ait pas à traverser une trop grande couche d’atmosphère, ce paramètre est mesuré par le airmass. Si on vise la vertical on a une épaisseur de une atmosphère donc un airmass de 1, si on vise à avec un angle d’élévation de 30° on aura un airmass de 2. c’est inversement proportionnel au sinus de l’angle d’élévation pour les matheux.

JSkyCalc

La détermination de l’heure de passage de chaque cible est une science en soi. Il faut jongler entre les airmass, la présence de la Lune, les consignes que chaque chercheur donne à l’observateur, la durée d’exposition que chaque étoile, selon sa magnitude, requiert … Pour aider l’observateur dans ses choix, on dispose d’un programme appelé JSkyCalc. Une fois les données de position et de temps entrées, on obtient les positions du Soleil et de la Lune (oui … en effet: en général l’observateur ne se laisse pas surprendre par la présence inattendue du Soleil … « oh my God the Sun is back »). Ensuite on entre les coordonnées de l’étoile souhaitée et on peut voir la position de l’étoile dans le ciel. Ici on voit pour « mon » étoile qu’il n’y a pas de Lune et pas de Soleil non plus: Great !! En réalité, j’ai pas l’impression que les observateurs utilisent vraiment ce logiciel, je soupçonne mon boss, Daniel qui a quand même découvert des planètes extrasolaires à lui tout seul, comme un grand de 1m95 ;-), de me l'avoir montré juste pour mieux m’expliquer tout cela !

La pause

Vient enfin la pause. Coralie notre spectromètre a été configurée, Euler notre télescope a pointé l’étoile et a fait le focus, l’étoile a été centrée et ça peut démarrer. Ce sera une pause de 1800 secondes, soient 30 minutes. C’est une longue pause dans la mesure où « mon » étoile est relativement peu brillante, pour les lecteurs attentifs vous aurez remarqué qu’elle est de magnitude 11,3, soit grossièrement 20’000 fois moins lumineuses que les étoiles plus brillantes du ciel ou 500 fois moins brillantes que les étoiles les plus faibles visibles à l’oeil nu. Durant toute la pause, on vérifie sur la partie gauche de l’image que l’étoile reste bel et bien centrée.

Les résultats bruts … très bruts

Durant la pause, la lumière de « mon » étoile a donc été collectée par le miroir primaire de 1,2m de diamètre de notre télescope Euler. Par un jeu de miroir, cette lumière a été envoyée sur la tête de fibre de Coralie notre spectromètre qui va décomposer la lumière pour en obtenir son spectre. C’est le phénomène de l’arc-en-ciel ou du prisme: la lumière du soleil est dispersée en un arc-en-ciel à travers une goutte d’eau. Ici c’est la lumière de « mon » étoile qui est dispersé en un spectre à travers Coralie. On receuille alors sur la caméra CCD la lumière de l’étoile étalée dans toutes les longueurs d’ondes. Or selon la composition de l’étoile, certaines longueur d’ondes ne seront pas recueillies sur notre CCD car les éléments constituants de l’étoile auront absorbé certaines longueurs d’ondes, on parle de raies d’absorption. On obtient donc une ligne représentant le spectre de l’étoile avec ses raies d’absorptions.

Nous avons une deuxième ligne qui joue le rôle d’une règle. En effet, afin de pouvoir mesurer les longueurs d’ondes des raies d’absorption, il nous faut calibrer Coralie. Ceci se fait avec un interféromètre Fabry-Perrot. Ainsi, pour chaque raie d’absorption il est possible de déterminer avec précision la longueur d’onde la dite raie.

Sur ces résultats nous remarquons aussi des rayons cosmiques, jusque’à quelques centaines recueillis sur le décimètre carré du CCD durant les 30 minutes de l’exposition, … on est donc continuellement traversés par ces rayons ! On remarque aussi parfois un défaut du CCD.

Calibration selon le type spectral de « mon » étoile

Ainsi donc, chaque étoile va avoir un spectre constitué de raies d’absorption mesurables. Or, selon le type spectrale de l’étoile (en lien grosso modo avec son âge et sa taille) ses raies sont connues car elles ne dépendent que des matériaux (éléments chimiques) constituant l’étoile. On peut donc comparer l’étoile cible avec une étoile ayant le même type spectral. « Mon » étoile étant de type spectral G2, comme le Soleil: « ma » star est mon Soleil ! Nous devrions donc pouvoir superposer son spectre avec n’importe quelle étoile de type spectral G2. Mais ce n’est pas le cas !! Pourquoi donc me direz-vous … ceux qui suivent encore ! Et bien parce que les pompiers passent . Et que fait le camion pompier de mon ami Stéphane ;-) quand il passe ? Et bien il fait « pimpom » ! Plus précisément, il fait « pimpom … pimpom … pimpôôôôômmm ... »: quand le camion approche le son est plus aigu que quand il s’éloigne de nous. C’est l’effet Doppler ainsi nommé en l’honneur de son découvreur. Il en va de même pour « mon » étoile: si elle s’approche son spectre est décalé vers le bleu, et si elle s’éloigne son spectre est décalé vers le rouge. D’où le redshift du bon vieux Edwin, découverte à la base du modèle du Big Bang. Ainsi donc, en superposant le spectre de « mon » étoile et celui de l’étoile témoin de même type spectral, on peut déterminer le décalage, vers le bleu ou vers le rouge et en déduire la vitesse de l’étoile. Ici on obtient une Radial Velocity RV de 24km/s ce qui signifie que « mon » étoile, au moment de cette mesure, s’éloignait de nous à une vitesse de 24km/s. OUF !

Données réduites

Tous les résultats de cette observation sont compilés dans un fichier de données réduites. Le chiffre important est la vitesse radiale de « mon » étoile RV, valant ici 24,5km/s. Au delà de tous ces chiffres, il en est un qui impressionne: 9,84m/s d’incertitude: wouaou. Après tout ce travail, on a déterminé la vitesse radiale d’une étoile se situant à 80 parsecs, soient 260 années-lumière ou encore 2’468’560’000’000’000 km de nous avec une imprécision de 9,84m/s sur 24km/s cela représente une précision de 0,04% … c’est comme si mon médecin me donnait mon poids à 30g près. Et ce n’est que le début car le spectromètre Harps construit à l’Observatoire de Genève et installé sur le télescope « three point six » à 200 mètres de Coralie a une précision de 0,5m/s et Espresso actuellement en construction à l’Observatoire de Genève et qui sera placé sur les VLT aura une précision de 0,1m/s. Bravo les genevois.

Suivi de la vitesse radiale

« Mon » étoile est une étoile standards qui, comme expliqué par ailleurs, nous sert à évaluer l’amélioration d’un changement de fibre. On sait déjà qu’elle abrite une planète, pour plus d’info, voir www.openexoplanetcatalogue.com . Pour des étoiles pour lesquelles on soupçonne la présence d’une planète, on pourra refaire périodiquement toute cette démarche pour mesurer sa vitesse radiale. On obtiendra alors un graphique de la vitesse radiale de l’étoile en fonction du temps. Très souvent ce graphique ne présentera rien d’intéressant, mais si l’on sait choisir les bonnes étoiles en fonction d’autres programmes de recherche tels celui des transits, il se peut que l’on puisse remarquer un va vient de l’étoile. Une douce valse de Vienne de l’étoile. Ce fut le cas lors de la découverte de la première planète extrasolaire, 51PegB, par Michel Mayor et Didier Queloz de l’Observatoire de Genève. Cette valse trahit le fait qu’une planète orbite autour de cette étoile. Avec Coralie nous découvrons des autres mondes de la taille de Jupiter, avec Harps et bientôt avec Espresso, nous découvrirons des autres mondes de la taille de la Terre …

Remarque sur la petite Suisse

Dans mes écrits je parle beaucoup des Genevois. Je suis bien conscient d’être suisse et de travailler au télescope suisse mais il en demeure pas moins vrai que l’équipe genevoise a construit et est en train de construire les meilleurs spectromètres du monde. Ici à La Silla, c’est un honneur pour moi de dire que je travail « au suisse » tant l’accueil est positif. Auprès des chiliens et surtout aussi auprès des collègues astronomes du Mexique, d’Allemagne, de France, des Etats-Unis. La Suisse a très clairement sa place dans le monde pointu de la recherche en astrophysique et a une spécialité: les spectromètres de grandes précisons, idéal pour la recherche de planètes extra-solaires.

J’ai adoré bouquiné le livre « Astro Homus » trouvé dans la bibliothèque du salon de la station suisse et à mettre entre les mains de tout amateur d’astronomie. On y lit les propos de chercheurs en astrophysique dont de nombreux genevois. Les propos de Stéphane Udry, Directeur de l’Observatoire de Genève et de Francesco Pepe, responsable de projet à l’Observatoire de Genève sont peut-être une clé pour expliquer la réussite de la petite Suisse dans ce monde de stars:

Stéphane: « In science and art there is a common denominator: creativity. »

Francesco: « Having a positive attitude is essential; I would say it is the number one rule. »